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Arrêt de la Cour de Cassation en date du 5 décembre 2012
portant sur le mariage d'un majeur protégé placé
en curatelle
- Un majeur, placé en curatelle renforcée, a saisi le
Juge des Tutelles en vue de se marier, conformément à
l'article 460 du Code civil, selon lequel "le mariage d'une personne
en curatelle n'est permis qu'avec l'autorisation du curateur ou, à
défaut, du juge".
- Cette autorisation lui a été refusée.
- Les Juges d'Appel ont confirmé cette décision en estimant
"qu'en considération de l'évolution psychopathologique
des troubles présentés par l'intéressé
et de sa perte de maîtrise des réalités financières,
celui-ci n'était pas en mesure de donner un consentement éclairé
au mariage".
- Le majeur protégé s'est alors pourvu en Cassation.
- Ce pourvoi a été rejeté par la Cour pour deux
motifs :
1 - La question prioritaire de constitutionnalité portant sur
l'article 460 du Code Civil a déjà fait l'objet d'une
décision du Conseil Constitutionnel (voir ci-dessous).
Le Conseil ayant déclaré l'article 460 du Code Civil
conforme à la Constitution.
2 - La décision d'autoriser le mariage d'un majeur sous curatelle
relève de l'appréciation souveraine des juges du fond,
rendant ainsi invalides les arguments critiquant les motifs retenus
par les juges pour rejeter l'autorisation.
- Arrêt n° 1403 du 5 décembre
2012 (11-25.158) - Cour de cassation - Première chambre civile
- ECLI:FR:CCASS:2012:C101403
Rejet
Demandeur(s) : M. Roger X....
Défendeur(s) : Mme Marie Y... ; et autres
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre
2011), que M. Roger X... a été placé sous le
régime de la curatelle renforcée par décision
du juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 15ème
le 23 juin 2009 sur requête de sa fille, Mme Monique X..., Mme
Y... étant désignée en qualité de curatrice
; que cette décision a été confirmée par
jugement du tribunal de grande instance de Paris le 18 décembre
2009 ; que, par ordonnance du 24 juin 2010, le juge des tutelles a
rejeté la demande de M. X... sollicitant l'autorisation
de se marier avec Mme Z... ;
Sur le premier moyen, [...] :
Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre
l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen, pris en ses six branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer
l'ordonnance rendue par le juge des tutelles ayant rejeté
sa demande tendant à être autorisé à se
marier avec Mme Z..., alors, selon le moyen, que :
1°/ l'article 460 du code civil, qui impose, pour le mariage
d'une personne placée sous curatelle, l'autorisation
du curateur ou, à défaut, du juge des tutelles, est
contraire au principe constitutionnel de la liberté du mariage,
acte strictement personnel et privé dont l'exercice doit
être garanti toutes les fois où la réalité
du consentement du majeur sous curatelle est vérifiée,
de sorte qu'il y a lieu de transmettre une question prioritaire
de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'à
la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité
qui interviendra, la décision de la cour d'appel perdra
toute base légale comme ayant été prononcée
sur le fondement d'un article de loi contraire au principe constitutionnel
du droit au mariage ;
2°/ l'article 460 du code civil, qui impose, pour le mariage
d'une personne placée sous curatelle, l'autorisation
du curateur ou, à défaut, du juge des tutelles, implique
que soit vérifiée la réalité du consentement
du majeur placé sous curatelle, sans pour autant que soit exigé
que son consentement soit plus particulièrement éclairé
que pour tout autre candidat au mariage, quant aux conséquences
sur sa personne et sur son patrimoine ; qu'en justifiant le
refus d'autoriser le mariage de M. X... avec Mme Z... par le
fait qu'il ne serait pas en mesure d'appréhender
les conséquences de ce mariage sur sa personne et sur ses intérêts
patrimoniaux, la cour d'appel, qui a ajouté une condition
à la loi, a violé l'article 460 du code civil,
ensemble l'article 16 de la déclaration universelle des
droits de l'homme du 10 janvier 1948, l'article 23 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19
décembre 1966 et l'article 12 de la Convention européenne
des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ;
3°/ le défaut de réponse à conclusions équivaut
au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M.
X... faisait justement valoir que le juge des tutelles s'était
prononcé sans avoir auditionné Mme Z... ; qu'en
ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour
d'appel a privé sa décision de motifs et violé
l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ le mariage d'une personne en curatelle n'est permis
qu'avec l'autorisation du curateur ou, à défaut,
du juge ; que M. X... faisait régulièrement valoir dans
ses conclusions d'appel que de puissantes convictions religieuses
le poussaient à contracter mariage avec Mme Z..., souhaitant
ainsi vivre en harmonie avec sa conscience ; que la cour d'appel
était donc invitée à rechercher si la dimension
religieuse du mariage souhaité par M. X... n'était
pas de nature à justifier qu'il soit autorisé
par ceux chargés de l'assister, ce mode de conjugalité
lui permettant de continuer à fréquenter Mme Z..., tout
en respectant pleinement ses convictions et ses croyances ; qu'en
n'effectuant aucune recherche sur ce point, qui était
pourtant de nature à infléchir la décision d'autorisation,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article 460 du code civil ;
5°/ le mariage d'une personne en curatelle n'est permis
qu'avec l'autorisation du curateur ou, à défaut,
du juge ; que M. X... faisait régulièrement valoir dans
ses conclusions d'appel que le mariage avec Mme Z..., qu'il
fréquente depuis 1996, lui conférerait sécurité,
aide et assistance, de sorte que le consentement à son mariage
répondait parfaitement à son intérêt ;
qu'en n'effectuant aucune recherche sur ce point, qui
était pourtant de nature à faire fléchir la décision
d'autorisation, la cour d'appel a derechef privé
sa décision de base légale au regard de l'article
460 du code civil ;
6°/ en ne procédant à aucune recherche sur le fait
que M. X... avait exprimé la volonté de conclure un
contrat de mariage de séparation de biens avec Mme Z..., ce
qui était de nature à montrer qu'il avait une
conscience suffisante des conséquences patrimoniales de son
mariage en ce qu'il souhaitait mettre à l'abri
son patrimoine personnel, la cour d'appel a encore privé
sa décision de base légale au regard de l'article
460 du code civil ;
Mais attendu que, par décision n° 2012 260 QPC du 28 juin
2012, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme
à la Constitution l'article 460 du code civil ; que faisant
application de ce texte, la cour d'appel, après avoir
analysé tant les certificats établis par le médecin
psychiatre qui a examiné M. X... que les autres éléments
d'appréciation versés aux débats, a estimé,
en considération de l'évolution psychopathologique
des troubles présentés par l'intéressé
et de sa perte de maîtrise des réalités financières,
que celui ci n'était pas en mesure de donner un consentement
éclairé au mariage ; que cette appréciation souveraine,
qui échappe aux griefs du moyen, justifie légalement
sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Président : M. Charruault
Rapporteur : Mme Capitaine, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Petit, premier avocat général
Avocat(s) : Me Spinosi ; Me Rouvière
- Conseil Constitutionnel - Décision n° 2012-260 QPC du 29
juin 2012
M. Roger D. [Mariage d'une personne en curatelle]
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 avril 2012
par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt
n° 584 du 12 avril 2012), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité
posée par M. Roger D., relative à la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
460 du code civil.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure
suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires
de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrice
Spinosi, avocat au Conseil d'état et à la Cour de cassation,
enregistrées les 4 et 21 mai 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées
le 4 mai 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Spinosi, pour le requérant, Me Françoise Thouin-Palat,
avocat au Conseil d'état et à la Cour de cassation,
pour Mme Monique D. et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 19 juin 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 460 du code civil
: « Le mariage d'une personne en curatelle n'est permis qu'avec
l'autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge
» ;
« Le mariage d'une personne en tutelle n'est permis qu'avec
l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été
constitué et après audition des futurs conjoints et
recueil, le cas échéant, de l'avis des parents et de
l'entourage » ;
2. Considérant que, selon le requérant, le mariage est
un acte strictement personnel ; qu'en subordonnant le mariage d'une
personne en curatelle à l'autorisation du curateur, l'article
460 du code civil porterait atteinte à la liberté du
mariage ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité
porte sur le premier alinéa de l'article 460 du code civil
;
4. Considérant que la liberté du mariage, composante
de la liberté personnelle, résulte des articles 2 et
4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789 ; que cette liberté ne restreint pas la compétence
que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution
pour fixer les conditions du mariage dès lors que, dans l'exercice
de cette compétence, il ne prive pas de garanties légales
des exigences de caractère constitutionnel ; qu'il est en outre
loisible au législateur d'apporter à cette liberté
des limitations liées à des exigences constitutionnelles
ou justifiées par l'intérêt général,
à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées
au regard de l'objectif poursuivi ;
5. Considérant que, selon l'article 415 du code civil, les
personnes majeures reçoivent la protection de leur personne
et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire
; que cette protection est instaurée et assurée dans
le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux
et de la dignité de la personne ; qu'elle a pour finalité
l'intérêt de la personne protégée et favorise,
dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci ; que l'article
428 du même code dispose que la mesure de protection ne peut
être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité
et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts
de la personne par l'application des règles du droit commun,
par une autre mesure de protection judiciaire moins contraignante
ou par le mandat de protection future ; qu'elle doit en outre être
proportionnée et individualisée en fonction du degré
d'altération des facultés personnelles de l'intéressé
;
6. Considérant que la curatelle est l'une des mesures judiciaires
de protection juridique qui, selon l'article 425 du code civil, peut
être ordonnée à l'égard d'une personne
atteinte d'une « altération, médicalement constatée,
soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés
corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté
» ; que l'article 440 du même code dispose que le juge
peut placer en curatelle « la personne qui, sans être
hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des
causes prévues à l'article 425, d'être assistée
ou contrôlée d'une manière continue dans les actes
importants de la vie civile » ;
7. Considérant que l'article 460 du code civil n'interdit pas
le mariage de la personne en curatelle ; qu'il le permet avec l'autorisation
du curateur ; que le refus du curateur peut être suppléé
par l'autorisation du juge des tutelles dont la décision prononcée
après un débat contradictoire doit être motivée
en fonction de l'aptitude de l'intéressé à consentir
au mariage ; que cette décision judiciaire est susceptible
de recours ; que la personne en curatelle jouit des garanties nécessaires
à l'exercice effectif de ces recours ;
8. Considérant qu'eu égard aux obligations personnelles
et patrimoniales qui en résultent, le mariage est « un
acte important de la vie civile » ; qu'en subordonnant le mariage
d'une personne en curatelle à l'autorisation du curateur ou
à défaut à celle du juge, le législateur
n'a pas privé la liberté du mariage de garanties légales
; que les restrictions dont il a accompagné son exercice, afin
de protéger les intérêts de la personne, n'ont
pas porté à cette liberté une atteinte disproportionnée
;
9. Considérant que le premier alinéa de l'article 460
du code civil n'est contraire à aucun autre droit ou liberté
que la Constitution garantit ; que, par suite, il doit être
déclaré conforme à la Constitution,
D é C I D E :
Article 1er.- Le premier alinéa de l'article 460 du code civil
est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée
au Journal officiel de la République française et notifiée
dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance
du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans
sa séance du 28 juin 2012, où siégeaient : M.
Jean-Louis DEBRé, Président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX
de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL,
Nicolas SARKOZY et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 29 juin 2012.
Journal officiel du 30 juin 2012, p. 10804 (@ 121)
ECLI:FR:CC:2012:2012.260.QPC
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